Michel Temer est devenu le nouveau président du Brésil, quelques heures après la destitution controversée de Dilma Rousseff pour maquillage des comptes publics, mettant fin à 13 ans de règne de la gauche dans le plus grand pays d'Amérique latine.
Ancien vice-président de Mme Rousseff dont il a précipité la chute, l'homme fort du PMDB (centre droit) a prêté serment au Sénat et dirigera un Brésil dans la tourmente jusqu'aux prochaines élections législatives et présidentielle fin 2018.
Tout aussi impopulaire que sa rivale, Michel Temer, 75 ans, a promis de "remettre le Brésil sur les rails" lors de sa première réunion de cabinet.
"Il faudra en sortir sous les applaudissements des Brésiliens. Cela va être difficile", a reconnu le nouveau président, qui s'est envolé ensuite vers la Chine pour un sommet du G20.
"Mon unique intérêt est de remettre à mon successeur un pays pacifié, réconcilié et en croissance économique", a-t-il répété dans une allocution télévisée enregistrée et diffusée dans la soirée.
Dilma Rousseff a réagi avec sur virulence à sa destitution: "Le Sénat a pris une décision qui entre dans l'histoire des grandes injustices. Il a commis un coup d'Etat parlementaire", a-t-elle dénoncé tout en réaffirmant son innocence.
Elle a promis à Michel Temer et ses nouveaux alliés de droite "l'opposition la plus déterminée à laquelle puisse s'attendre un gouvernement de putschistes".
Une majorité de plus des deux tiers requis des sénateurs ont voté sans surprise pour la destitution de la dirigeante de gauche, première femme avoir été élue à la tête du Brésil en 2010, puis réélue de justesse en 2014.
Sur les 81 parlementaires, 61 ont voté pour sa destitution. Seulement 20 ont voté contre.
- 'A bientôt' -
"Dilma Rousseff a commis des crimes de responsabilité importants (...), elle a été condamnée et perd ainsi son mandat de présidente de la République", a conclu le président de la Cour suprême (STF) Ricardo Lewandowski, qui dirigeait les débats du Sénat transformé pour l'occasion en tribunal.
Mme Rousseff a en revanche conservé ses droits civiques à la faveur d'un second vote, où la majorité des deux tiers requise pour l'en priver pendant huit ans n'a pas été atteinte. Seuls 42 sénateurs ont voté pour, 36 contre et 3 se sont abstenus.
"Cela signifie qu'elle reste éligible. Elle pourra être candidate à des mandats de sénatrice, de députée, mais pas à la présidence en 2018 puisqu'elle a déjà été élue pour deux mandats consécutifs", a expliqué à l'AFP un universitaire en droit de Rio, Rogerio Dultra dos Santos.
"Nous reviendrons", a d'ailleurs promis au nom de la gauche l'ex-dirigeante, s'exprimant depuis sa résidence du palais de l'Alvorada où elle avait suivi le vote en compagnie de son mentor, l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva.
Englué depuis la réélection de Mme Rousseff fin 2014 dans une crise politique et économique de magnitudes historiques, sur fond de méga-scandale de corruption, le Brésil, cinquième pays le plus peuplé de la planète, rompt ainsi avec 13 ans de gouvernements du Parti des travailleurs (PT) initiés en 2003 par Lula.
- 'Trahison' -
D'autres gouvernements de gauche en Amérique latine n'ont pas tardé à réagir : le gouvernement vénézuélien de Nicolas Maduro a annoncé le gel des relations diplomatiques et le rappel de son ambassadeur.
En Equateur, le président socialiste Rafael Correa a dénoncé sur Twitter une "trahison" et décidé de rappeler son chargé d'affaires au Brésil, tandis que le gouvernement cubain "rejet(ait) énergiquement le coup d'Etat parlementaire", également critiqué par la Bolivie d'Evo Morales.
Brasilia a rappelé pour consultations ses ambassadeurs au Venezuela, en Bolivie et en Equateur dans la foulée.
Le verdict est tombé au sixième jour d'un procès marathon, de dizaines d'heures de débats où le droit de la défense et la Constitution auront été scrupuleusement respectés sur la forme, sans forcément convaincre de la culpabilité de Mme Rousseff au plan strictement juridique.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a sobrement "pris note" de la décision du sénat brésilien dans un bref communiqué et adressé "ses meilleurs voeux" à M. Temer.
Elle était accusée d'avoir maquillé les comptes publics pour camoufler l'ampleur du déficit et d'avoir approuvé trois décrets engageant des dépenses sans le feu vert du Parlement.
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